mardi 22 septembre 2009

Résumé de l’article «Nouvelle France, Canada, Québec : parcours lexicographique du Grand siècle des philosophiques» de Jean Pruvost.

(Les dictionnaires de la langue française au Québec, 2008, p.161-198)

Trois mots-clés et un programme d’exploration

L’auteur met l’accent sur les occurrences et les changements de définition autour de trois mots-clés : « Nouvelle France », « Canada », « Québec » dans les dictionnaires français des siècles passés, surtout du XVIIe siècle au XVIIIe siècle, tout en présentant un programme d’exploration avec 3 étapes (3 périples).

1. Premier périple (du XVIe siècle balbutiant au XVIIe siècle fondateur): La lexicographie monolingue naissante du français.

Ce périple a pour but d’ « arpenter les glaces » des trois dictionnaires monolingues français fondateurs et de « traquer quelques attestations dans ces espaces pionniers du XVIIe siècle ».

- Sous la Renaissance :

Avec les Épithètes françoises (1571) de Maurice De La Porte, des épithètes…, on pouvait découvrir les adjectifs de l’époque sur la France, les Français (François) et le sauvage à la fois significatifs de la mode littéraire en vigueur et des représentations de la fin du XVIe siècle.

- La trinité fondatrice, peu prolixe pour le Nouveau Monde :

Les trois premiers dictionnaires monolingues du français, peu prolixes à propos de l’Amérique septentrionale, étaient considérés comme la «trinité fondatrice» de la lexicographie.

1. Le Dictionnaire françois (1680) de Richelet, sans référence à l’Amérique septentrionale

Il n’y avait aucune mention de la Nouvelle-France ou du Canada dans ce premier dictionnaire monolingue français.

2. Le Diction(n)aire universel (1690) de Furetière

Contrairement au premier dictionnaire de Richelet qui ne fait aucune place à l’Amérique, le dictionnaire de Furetière l’intègre sans hésiter et spécifiquement aux territoires de la Nouvelle-France sans pour autant la citer.

3. La première édition du Dictionnaire de l’Académie françoise (1694)

De nomenclature moindre de moitié par rapport au deuxième dictionnaire, le troisième ne faisait place qu’une fois à la Nouvelle-France mais faisait quatre fois référence au Canada.

2. Deuxième périple (la première moitié du XVIIIe siècle): En proche amont de l’Encyclopédie: De Philibert Joseph Leroux à Trévoux en passant par la Martinière.

Le deuxième périple permet de mesurer l’intégration progressive des mots et réalités propres à l’«Amérique septentrionale» dans les dictionnaires.

Contrairement aux dictionnaires monolingues du XVIIe siècle qui ne mentionnent que très peu la Nouvelle-France, ceux du XVIIIe siècle lui faisaient une place grandissante.

- Le Dictionnaire comique de Leroux :

La Nouvelle-France, que le Dictionnaire comique, satyrique, critique, burlesque, libre et proverbial (1718) de Leroux ne se prête pas à citer, est indirectement présente à travers les difficultés éprouvées par les Français de la Nouvelle-France aux prises avec les Iroquois.

- Le Grand Dictionnaire géographique historique et critique de La Martinière :

Grâce à ce dictionnaire de La Martinière, on peut repérer dans l’article « Amérique » une grande découverte recensée du Nouveau Monde à travers les premières cartes et le listage des régions et peuples qui le composent.

Ce Grand Dictionnaire a brossé un grand tableau de plusieurs pages pour distinguer tout d’abord ce que «L’Amérique septentrionale contient», ensuite ce que «Les Terres arctiques comprennent», puis ce que contient «La Nouvelle-France», et enfin, ce que «Le Canada comprend».

- Dans la filière de Furetière, le Dictionnaire de Trévoux et la latinisation :

Le Dictionnaire de Trévoux se présente davantage dans la perspective d’un ajout d’information que dans une profonde métamorphose. C’est la première latinisation de diverses réalités du Nouveau Monde. Comme l’indique le titre complet, Dictionnaire universel françois et latin vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux, on a proposé des traductions latines aux mots entrés en nomenclature, y compris pour quelques réalités de la Nouvelle-France.

3. Troisième périple (la deuxième moitié du XVIIIe siècle): L’Encyclopédie (1751 - 1772) de Diderot et D’Alembert radiographiée à l’aune de l’Amérique septentrionale.

La dernière étape nous permet de relever, classer et analyser systématiquement toutes les occurrences des trois mots-clés.

- Une œuvre qui fait référence à la Nouvelle-France mais orientée ethnologiquement :

Si les dictionnaires monolingues du siècle de Louis XIV ne mentionnaient que très peu de références à la Nouvelle-France, l’Encyclopédie présentait plus de 90 références avec la modestie des citations choisies pour la même réalité au cours du Grand Siècle.

Les encyclopédistes s’intéressent très peu au pays français devenu anglais en tant qu’entité politique mais davantage aux caractères climatiques, ethnologiques et aux aléas politiques.

- La répartition révélatrice des différentes références à la Nouvelle-France et au Canada :

Jean Pruvost a présenté 13 rubriques différentes pour rattacher les références faites à la Nouvelle-France, au Canada ou à Québec :

1. Des considérations géographiques

2. Les noms des peuples et peuplades

3. Le thème des «sauvages»

4. La description de la nature

5. Les considérations sur le climat

6. La religion

7. Les traditions

8 et 9. Les références faites aux animaux et aux plantes avec dans leur filiation

10 et 11. Les produits alimentaires et produits médicaux

12. Le commerce, notamment celui de la pelleterie

13. Les transports

4. En guise de conclusion : Le dictionnaire critique de Féraud et un dictionnaire «pour jeunes personnes»

Ce périple se conclut avec le Diction(n)aire critique de la langue française (1787) de l’abbé Féraud. Ce dictionnaire fournit des éléments de réponses aux interrogations posées dès l’introduction.

On peut aussi conclure sur un texte peu connu de l’article réservé au Canada dans le Dictionnaire de la conversation, à l’usage des dames et des jeunes personnes, complément nécessaire de toute bonne éducation. Cet ouvrage et son titre valent à eux seuls le témoignage des conceptions machistes de l’époque. Dans ce dictionnaire, se manifestait ainsi le regret de la perte de la Nouvelle-France. On peut y trouver des marques de l’envie forte d’enraciner dans les cœurs des «jeunes personnes» françaises la filiation existante avec les francophones de l’Amérique du Nord.

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