mardi 22 septembre 2009

Résumé de l’article «Entre dépendance et affirmation : le parcours historique des lexicographes québécois» de Claude Poirier

(Les dictionnaires de la langue française au Québec, 2008, p.13-60)

Cette étude se situe dans la recherche et l’analyse de l’histoire du cheminement de la langue française au Québec.

Elle se compose de deux parties principales. Tout d’abord, en présentant une lecture générale de l'histoire linguistique du Québec, l’auteur montre comment son identité collective et sa perception de la langue ont été créées par l’interprétation de sa relation avec la France selon les époques. L’auteur propose dans la deuxième étape le cheminement des lexicographes dans les fluctuations de distanciations et de rapprochements.

La première partie (Incidence sur le sentiment linguistique de la relation avec la France) a pour but de «brosser un tableau d’ensemble de la lexicographie québécoise à la lumière des relations entre Québécois et Français». Ce tableau aborde les cinq périodes principales:

- Avant 1608 / La période pré-coloniale : Le français évoluait dans un contexte de grande liberté au XVIe siècle.

- 1608 - 1759 / La Nouvelle-France : Il existe une manière «française» de parler et une manière «canadienne». Les Français et les Canadiens appartiennent ainsi à des réseaux sociaux distincts et ne vivent pas dans l’harmonie la plus totale. (p.19) Les Canadiens se sont construit une identité propre et cherchent à faire respecter. Sur le plan linguistique, ils vont librement leur chemin.

- 1760 - 1840 / L’émergence et la consolidation du français canadien : L’utilisation de la langue dans la sphère publique n’est pas contrôlée par une aristocratie comme en France.

- 1841 - 1959 / La dévalorisation de l’usage canadien : Le français perd son statut de langue officielle au Parlement à la suite du rapport Durham.

- Depuis 1960 / La reconstruction de l’estime de soi : C’est une époque d’affirmation identitaire où s’exprimait clairement une identité canadienne et où se construisait une opinion favorable à la prise en main des leviers politiques.

L’auteur présente par la suite (Conscience identitaire et lexicographie) l’évolution des lexicographes en mettant l’accent sur la lutte pour l’identité, les bouleversements et les changements conscients dans la langue française au Québec en général et dans sa lexicographie en particulier. Il défend dans cette thèse la liaison entre l’orientation de la production lexicographique au Québec avec le sentiment épilinguistique des élites qui varie selon le degré d’indépendance des Canadiens/Québécois par rapport aux Français.

En analysant des dictionnaires de plusieurs siècles, on peut constater que les Canadiens ont conscience de s’affirmer, de garder leur identité même dans la situation colonisée par les Français.

D’une part, les Canadiens cherchent à créer une lexicographie différente et indépendante de celle des Français. D’autre part, à cause des raisons subjectives, le français a de temps en temps changé pour bien s’adapter à la situation d’alors. En effet, dès le XVIIe siècle, le contact avec les Amérindiens a produit dans les lexiques bilingues au Canada pas mal de mots qui ne se trouvent pas dans les dictionnaires de cette époque en France. Après, avec l’arrivée des Anglais au XVIIIe siècle, étant influencé, le français canadien a évolué en situation de contact avec une autre langue. Et l’ensemble de la production lexicographique avec trois approches distinctes (puristes, pédagogues et glossairistes) a paru dans le XIXe siècle afin de reconnaître la nécessité d’une référence à la France pour des normes du français canadien.

Claude Poirier a montré en outre que les glossairistes ont cherché à réhabiliter les caractéristiques du français canadien et à gommer parfois l’influence de l’anglais. Avec le Glossaire de Dunn (1880) et Dictionnaire de Clapin (1894), on a lutté pour légitimer l’ensemble de traits distinctifs du français canadien.

De plus, à travers des domaines de la littérature, de la chanson ou du cinéma, on peut trouver une distance entre les Québécois et les Français qui permet d’affranchir la lexicographie du français québécois. (p.43) Les terminologues ont ainsi proposé de nouvelles formes féminines sans trop se soucier du sentiment des Français.

Ainsi, si le Dictionnaire du français québécois a montré que l’explication historique du lexique est une condition préalable à l’existence de véritables dictionnaires de l’usage, le Dictionnaire du français Plus (1988) peut ouvrir l’ère des dictionnaires dont la référence est le français de Québec tels que le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui (1992), le Dictionnaire québécois-français (1999)… C’est aussi le moment où le Québec devait affronter un grand défi. Il voulait se donner un vrai dictionnaire avec la nécessité de définir une variété haute du français québécois. Il faudrait qu’on trouve une réponse qui satisfasse la volonté d’autonomie linguistique des Québécois en établissant des liens étroits avec la France. On devait en même temps relever la dimension technique de la lexicographie et répondre à la conception de la langue.

En bref, l’auteur trouve que les Québécois n’ont pas encore réussi à établir une lexicographie différente et identifiée avec celle des autres pays occidentaux (la France, les États-Unis, l’Angleterre). Certes, la production lexicographique joue un rôle important. On a pu pratiquer le français dans une petite communauté de locuteurs éloignée de la France, et les lexicographes ont livré des témoignages sur la formation de la conscience linguistique et la construction de l’identité québécoise.

Cependant, Claude Poirier a affirmé que, peut-être, au cours de l’époque que le Québec s’est libéré de ses tutelles historiques, les années à venir permettront sans doute de créer des formules lexicographiques originales s’écartant des autres pays.

Gendre pense que pouvoir contribuer à sa part dans la production lexicologique en mettant l’accent sur les six besoins lexicaux fondamentaux du public québécois en matière de dictionnaire : linguistique, philologique, encyclopédique, d’ordre expressif, sociolinguistique et topolinguistique.

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